17/06/2008

Marketing 2.0, l’intelligence collective, par François Laurent. Editions M21.

«Marketing 2.0» est un livre militant. Militant car écrit par un homme de convictions, qui les défend. On peut ne pas les partager toutes, ce qui est mon cas. Mais le livre de François a un énorme avantage, celui de la nouveauté ou plus précisément de présenter de nombreuses idées nouvelles qui nous incitent à une véritable réflexion. De ce point de vue, le titre est en décalage avec le contenu: «marketing 2.0» peut laisser penser à un nouveau «machin 2.0», la tendance actuelle étant d’utiliser cette numérotation, issue des pratiques de l’industrie logicielle, pour n’importe quoi.

Bien au contraire, le livre est ambitieux et n’est pas l’annonce de la sempiternelle « révolution numérique » version 2.0. François, en homme de marketing averti, replace l’essentiel au centre de sa démarche, à savoir le client, tantôt consommateur tantôt citoyen. Et il constate que le développement des technologies et des usages dits de « web 2.0 » (oh que les informaticiens sont poétiques) a induit, accéléré un changement important du comportement de ce client dans son rapport aux marques et finalement aux « gouvernants ». Le terme «Empowered consumer» volontairement conservé dans sa forme anglaise (1) exprime bien cette nouvelle donne, confirmée par de nombreuses études : ce nouveau consommateur déterminera ses choix très souvent par rapport à ce qu’il apprendra de ses pairs. Le discours lénifiant de la marque est de moins en moins admis. Et il est bien évident que dans ce cadre, Internet et surtout les innombrables possibilités d’échanges et de communication de type «many to many» qu’il offre, a considérablement accentué ce phénomène. Posez-vous la question suivante : la dernière fois que vous avez fait un achat, par exemple un appareil électronique, qu’avez vous fait ? Et en réfléchissant à la réponse, vous verrez que François Laurent n’a pas tort quant il parle de changement profond!

Une autre dimension intéressante est celle liée à la difficulté des industries à s’adapter à ces changements rapides. Le chapitre sur l’industrie du disque est particulièrement savoureux. Avec l’ironie qu’on lui connaît, François rappelle que la réaction de l’industrie du disque, aux profonds bouleversements induits par le MP3 et Internet, a été de faire des procès à ses clients ! Et souvent à des gamins ou à des mères de famille ne se rendant pas bien compte qu’en téléchargeant de la musique, ils commettaient un grave crime. Quoiqu’on pense du sujet, quand un industriel fait des procès à ses clients, c’est mauvais signe ! Qui plus est en réaction à une évolution technologique.

François rappelle quelques évidences : 1) Mozart n’avait pas de maison de disques 2) le CD n’est qu’un support ; le MP3 en est un autre qui s’avère plus performant 3) les disquaires «off» ou «on line» ne sont qu’un canal de distribution; il en existe d’autres comme le téléchargement 4) il y aura toujours place pour des managers qui prendront un risque financier pour faire connaître par les moyens de communications appropriés des musiciens dont ils apprécient le talent 5) Internet, le MP3 et la facilité de téléchargement ont offert de nouvelles possibilités, permettant aux moins connus d’accéder à une reconnaissance, remplaçant l’artiste et ses prestations au centre : au donnant l’accès gratuit à ses nouvelles chansons, Prince a rempli tous ses concerts de l’été, à raison de 20 000 participants par session.

Il est vrai que dans ce nouveau modèle, les maisons de disque peuvent se poser la question de leur valeur ajoutée et réfléchir à leur indispensable évolution. Et elles gagneraient à le faire vite !

Cette histoire me rappelle celle de l’image numérique, alors qu’Internet commençait à se développer. En 1997, je travaillais pour une entreprise qui fabriquait des logiciels de traitements d’images médicales. A l’époque, nous discutions avec les ingénieurs de Kodak qui nous prenaient pour des ahuris, nous expliquant que le numérique n’arriverait jamais à la hauteur du film. Quelques mois après, les actionnaires de Kodak rachetait Imation, la filiale numérique du groupe 3M et commençait à organiser les plans de départ des «spécialistes de l’argentique». La suite de l’histoire est connue : il suffit de visiter une FNAC pour constater que les grands noms actuels de la photographie ne sont plus ceux d’hier. L’année dernière, j’ai découvert avec une certaine stupéfaction que Leica était devenu le fournisseur d’objectifs de Panasonic et achetait, sur le marché, des capteurs pour ses propres boitiers. Il y a 20 ans, Leica était la Rolls des appareils photos et Panasonic un marchand d’aspirateurs et de postes de radio!

Il y a fort a parier que beaucoup de labels de maisons de disques vont connaître le même sort! Le livre de François nous explique très bien pourquoi.


(1)François écrit en français, qui plus est, agréable à lire. Il ne sombre pas dans le «franglais» genre branché. Ne cherchez pas de «relevant» ou de «consistant»… il n’y a en pas ce qui est rare dans ce type d’ouvrage. L’absence de traduction de «empowered consumer» montre la difficulté à trouver, dans notre langue, le concept correspondant. Un beau sujet de réflexion à traiter avant que le terme passe dans l’usage courant comme l’est le mot «marketing» et dont la traduction officielle «mercatique» me fait toujours sourire.

17/03/2008

Faut-il brûler Wikipedia ?

621ded17a53aa027b2ae273697c4cce5.jpgLa polémique n’est pas nouvelle et j’avais abordé ce sujet dans ma contribution du 7 novembre (voir «archives» sur ce blog).

En revanche, il est assez surprenant que ce titre soit celui de la page 2 du journal Le Monde du 15-16 mars (*) où Bertrand Le Gendre consacre une longue analyse à ce sujet. Ses conclusions sont assez proches des nôtres notamment lorsqu’il indique «La bataille continue pourtant de faire rage entre ceux qui accusent Wikipédia d'encourager les élèves et les étudiants à "copier-coller" et ceux qui saluent dans Wikipédia l'émergence d'une nouvelle écologie de la connaissance, à laquelle il vaut mieux préparer les jeunes générations plutôt que de diaboliser son succès.»

Il est aussi surprenant que des hommes comme Pierre Assouline dont le travail de biographiste ne peut que susciter l’admiration et rivalise avec son talent de romancier, définit Wikipedia comme «démagogie ambiante, qui consiste à dire aux gens: Vous êtes des encyclopédistes si vous le voulez». Preuve s’il en est besoin que des esprits pourtant très éclairés ont du mal à intégrer ces nouvelles formes d’échanges et de travails collaboratifs dont Wikipedia est l’exemple le plus connu.

Par ailleurs, l’article de Bertrand Le Gendre apporte des éléments factuels intéressants. Par exemple, il indique «En décembre 2007, Wikipédia a marqué un nouveau point contre ses détracteurs. Le magazine allemand Stern a publié les résultats d'une enquête portant sur cinquante articles piochés au hasard dans Wikipédia, version allemande, et dans l'édition en ligne de l'encyclopédie Brockhaus, dont l'accès est payant. Exactitude, clarté, exhaustivité, actualisation : le cabinet indépendant chargé de l'enquête a tout passé au crible. Dans 43 cas sur 50, Wikipédia l'a emporté». Cette étude confirme les résultats de celle réalisée par la revue Nature et que je mentionnais dans ma contribution du 7 novembre 07.

Récemment, une directrice de communication me demandait «mais finalement tous ces blogs et wikis, n’est-ce pas un phénomène de mode ? Qui va disparaître dans quelques mois.» Mode, autodafé, … Comme toujours, ce qui est nouveau n’est pas toujours simple à comprendre. Mais le temps va faire son œuvre.

Alain Beauvieux


(*) http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/03/15/faut-il-bruler-wikipedia-par-bertrand-le-gendre_1023287_0.html

22:15 Publié dans Lu et Vu | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Wikipedia, Le Monde

10/02/2008

Déficit commercial, défaitisme et PMEs

46284cda09bbc7d76532d99463e62eca.gif Si ce blog s'intéresse à l'observation d'Internet et aux outils qui l'analysent, il est aussi celui d’un dirigeant de PME. L’annonce du déficit commercial français de 39 milliards d’euros a été l’occasion d’une nouvelle épidémie de défaitisme, coutumière dans notre pays. La lecture de l’article publié par M. François David, Président de la COFACE (1), dans le Monde du 9 février 08 est un excellent remède (2), non pas que ce déficit soit un résultat à saluer mais plutôt qu’il faut analyser avec lucidité.

Que nous dit-il ? Que les 39 Mds sont à comparer au 156Mds d’euros de déficit du Royaume-Uni (peu connu pour son laxisme économique), aux 113 Mds de l’Espagne dont beaucoup salue le dynamisme. Que le montant des exportations par tête d’habitant place la France en 2ème position parmi les grands pays de l’OCDE et qu’un Français exporte 60% de plus qu’un Américain, 40% qu’un Espagnol, 35% de plus qu’un Japonais… Et qu’à l’échelle mondiale, il y a un acteur économique majeur qui prend des parts de marché à tous les autres pays, la Chine, qui, en dix ans, est passée de 2 à 7% de parts du marché mondial des exportations, acteur que l’on peut difficilement ignorer ! Et donc que le défaitisme n’est peut-être pas complètement justifié !

François David pose ensuite la vraie question qui est de savoir comment améliorer notre balance commerciale, répondant par «la croissance des PME» qui font par exemple que l’Allemagne est le champion à l’exportation : «le vrai sujet, longuement rebattu, mais jamais réellement concrétisé est de permettre aux PMEs de grossir… il est difficile pour un patron de PME de consacrer dix salariés pendant un an à attaquer le marché chinois lorsqu’il a une cinquante employés. En revanche, s’il est à la tête de 500 salariés c’est beaucoup plus facile».

Nous ne pouvons qu’être d’accord et remercier M. David de le rappeler. Et d’ajouter que ce constat en appelle un autre qui est la confiance qu’ont les grands donneurs d'ordre français dans les PMEs, problème régulièrement débattu autour « du Small Business Act » à la française (3).

De ce point de vue, M. David peut être doublement remercié. Notre entreprise a démarré son activité fin 2001 avec un chiffre d’affaires de … 10000€. En mars 2002, COFACE signait notre premier contrat majeur - beaucoup plus important que ce chiffre d’affaire - en nous faisant confiance, alors que notre bilan comptable n’était vraiment pas rassurant (vraiment pas !). Cette confiance, et celle de sa société à travers ses collaborateurs, nous a permis de démarrer et quelques années plus tard d’avoir un chiffre d’affaires de quelques centaines de fois supérieur à celui de 2001, une entreprise bénéficiaire qui fait vivre 25 personnes et est présente en Angleterre et en Suisse. Et continue « à grossir » avec une confiance renouvelée depuis plus de 5 ans. CQFD.

Alain Beauvieux

(1) Coface est la principale compagnie d’assurance spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation www.coface.fr

(2) »Le lancinant lamento du déficit commercial. Le commerce extérieur français est tout sauf calamiteux. Chiffres à l’appui », par François David, Président de la Coface
http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/02/08/le-lancinant-lamento-du-deficit-commercial-par-francois-david_1009078_0.html

(3) Depuis, une cinquantaine d’années, les grands donneurs américains ont l’obligation de confier jusqu’à 30% de leurs achats à des PMEs américaines, dans le respect des règles de concurrence. Cette mesure, qui ne s’inscrit pas dans la logique de l’assistanat et des subventions mais dans celle de la confiance et de l’investissement, a permis à de très nombreuses PMEs innovantes de devenir de grandes sociétés, Microsoft, Oracle, … en tête.

22/12/2007

L’information non structurée dans l’entreprise

L’information non structurée dans l’entreprise.
Par Alain Garnier, Editions Hermés – Lavoisier

db3cb01ebabd02c57f2739f2c23b1a37.jpgL’ouvrage d’Alain Garnier est un travail remarquable par sa précision et sa richesse. En un peu plus de 200 pages, il permet au lecteur d’avoir un panorama complet des applications exploitant des «informations non structurées» qui se sont développées avec Internet. Travail rigoureux d’ingénieur, il propose notamment une analyse intéressante et originale des usages de ces applications, par les différentes fonctions de l’entreprise, qui repose sur le modèle FC3T (Finalité, Criticité, Type de liens, Temporalité, Type d’informations).
Deux chapitres sont consacrés aux outils qui constituent un très bon point d’entrée pour le néophyte mais n’ont pas la richesse des analyses précédentes, car faisant référence à des technologies assez anciennes, ce qui il est vrai à l’échelle du Web, veut dire de l’année dernière!

Plus discutable est le concept d’information non structurée. Discutable sur un plan lexicographique car correspondant à une construction peu habituelle dans la langue de Molière; il s’agit en fait d’une traduction du terme anglais «unstructured data»(*) où est «non structurée» tout ce qui ne l’est pas,...ce qui n’est pas d’une grande utilité! Alain Garnier se risque à une définition (page 23) : «une information est dite non structurée quant elle renvoie à un usage non-inscrit dans un modèle et se construit à partir d’un sens dérivé du langage ou de la pensée». Définition qui peut conduire à un raccourci tentant selon lequel «la pensée est l’univers du non-structuré» et doit faire bondir plus d’un cartésien! Et il serait étonnant que les informations d’un fichier client bien structuré ne trouvent pas leur sens dans la pensée du lecteur.

Alain nuance page 35 en expliquant qu’une «partie de l’information non structurée devient structurée». Humble constat pour finalement se dire qu’il serait plus raisonnable de parler «d’information pas encore structurée», histoire de se rappeler que les données structurées sont les seules que les ordinateurs sachent traiter. Ainsi, rappelons, que les bases de données, emblème de l’information structurée, sont apparues dans les années 80, après que les fichiers plats ont montré leurs limites dans les opérations de gestion des entreprises. Constatons aussi que les moteurs de recherche ne sont que des «structurateurs» de l’information en s’appuyant sur la technologie des index.

Il n’en demeure pas moins que le constat que dresse Alain est bien réel, à savoir l’explosion de données pour lesquelles aucun modèle n’a été – encore - conçu. Cette explosion est le fruit de deux phénomènes : d’une part, le formidable développement des réseaux informatiques, en premier lieu Internet, et d’autre part, l’explosion des données textuelles (et sans doute demain vidéo).

Et c’est probablement le vrai challenge du moment : quels sont les modèles et donc les outils qui permettent de traiter et donc de structurer cette immense masse de données textuelles. Et de ce point de vue, l’ouvrage n’apporte pas vraiment d’éclairage dans un domaine qui en aurait bien besoin.

Bien que le titre soit discutable, il en demeure pas moins que ce livre est un incontournable et que tout responsable d’un système d’information et plus généralement, toute personne s’intéressant au traitement de l’information appréciera sa lecture.

Alain Beauvieux

(*)Sur Wikipedia version française: pas de définition précise du terme «information non structurée» mais une centaine de références.

From Wikipedia, the free encyclopedia: unstructured data (or unstructured information) refers to masses of (usually) computerized information which do either not have a data structure or one that is not easily readable by a machine. The term is imprecise: software that creates machine-processable structure exploits word morphology, sentence syntax, and other small- and large-scale patterns found in source materials to discern linguistic, auditory, and visual structure that is inherent in all forms of human communication.[1] Examples of "unstructured data" may include audio, video and unstructured text such as the body of an email or word processor document.

18/12/2007

Le Blog « Pour ma ville »

Le Monde du 18 12 07 se fait écho de la campagne menée par Mme Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la politique de la ville, notamment autour du blog intitulé «Pour ma ville».

Plus de 11000 messages ont été reçus dont la majeure partie provenant de quartiers sensibles, essentiellement de jeunes, 92% des messages ayant été postés suite à une opération de sensibilisation réalisée par Skyrock (*).

Analysés par une équipe du CNRS, l’un des chercheurs note : «Le blog a permis de recueillir des opinions que les réunions électorales ou autres débats participatifs ne permettent pas de capter habituellement. Nous sommes dans la sociologie de l’expérience directe».

Nous ne pouvons que partager son point de vue !

Alain Beauvieux

(*) voir http://pourmaville.skyrock.com/

14/12/2007

Blogs et distribution, un article intéressant sur Atelier.fr

Le site de l’Atelier (www.atelier.fr) publie un article très intéressant intitulé «Les bloggeurs bouleversent le modèle de la grande distribution ».
http://www.atelier.fr/medias-loisirs/10/14122007/communaute-bloggeurs-etats-unis-propose-guide-conseil-achats-noel-35713-.html

Le chapeau de l’article résume bien l’impact des blogs sur la eReputation des marques et des produits: En multipliant les initiatives structurées visant à conseiller le public pour ses achats de noël, la large communauté de bloggeurs américains met l'avenir de la vente au détail dans les mains des consommateurs.

L’article fait état d’une étude menée par Nielsen Online qui a exploré un millier de blogs américains dits influents au mois de novembre. Ce réseau de bloggeurs représente de facto un vaste catalogue de Noël … virtuel et collectif. Il serait intéressant qu’une étude similaire soit réalisée en France où le nombre de bloggeurs rapporté à la population est un des plus élevés en Europe et où la distribution n’a pas grand-chose à envier à ses confrères américains.

Alain Beauvieux

19:01 Publié dans Lu et Vu | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : influence, eReputation