26/06/2008

Le SBA à l’européen … pas pour tout de suite !

beffef260d3e63fc4df9f04a602f9419.jpeg Le SBA, ou Small Business Act est un vieux serpent de mer qui fait rêver les dirigeants de PMEs françaises depuis bien longtemps.

De quoi s’agit-il ? D’appliquer en Europe, une législation américaine datant de 1953 qui oblige les grands donneurs d'ordre américains, notamment l’administration, à réserver 23% de leur achat aux PMEs américaines.

Au pays du libéralisme, on peut difficilement imaginer une mesure plus protectionniste ! Que tout le monde, les Européens en tête, s’accorde à qualifier comme élément clé du succès des PMEs américaines, notamment du secteur informatique (1). C’est un secret de polichinelle que nombre de nos concurrents américains ont acquis une taille significative grâce à de très grands contrats du Pentagone ou de l’armée américaine qui leur étaient «réservés». Ces commandes, souvent faites sur des «produits en devenir», représentent en fait une énorme capacité d’investissement en recherche et développement.

En Europe, et notamment en France, la philosophie est plutôt de réserver ces grands contrats aux grandes entreprises (les petites étant jugées trop petites et donc peu pérennes, sic !). Et éventuellement, à aider les PMEs par un jeu de subventions venant d’organismes comme l’ANVAR ou ITEA, etc.

Si cette aide est bien évidemment précieuse, on peut se demander si le modèle américain (qui correspond de fait à une forme de subventions) n’est pas plus efficace : non seulement, le contrat est un financement garanti donc une subvention mais le donneur d‘ordre apporte sa caution et donc une crédibilité commerciale à la PME que ne pourra jamais donner une subvention. Et souvent cette caution des grands donneurs d’ordre américains, cette référence, nous est opposée chez les prospects français qui fort légitimement y sont sensibles.

En attendant, le SBA à l’européen est manifestement reparti dans sa cachette !

(1) Voir l'article du Monde publié le 25 juin: "Faute d'accord entre les pays membres, le soutien de Bruxelles aux PME restera symbolique" disponible sur www.lemonde.fr

21:35 Publié dans Métiers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Smal Business Act

17/06/2008

Marketing 2.0, l’intelligence collective, par François Laurent. Editions M21.

«Marketing 2.0» est un livre militant. Militant car écrit par un homme de convictions, qui les défend. On peut ne pas les partager toutes, ce qui est mon cas. Mais le livre de François a un énorme avantage, celui de la nouveauté ou plus précisément de présenter de nombreuses idées nouvelles qui nous incitent à une véritable réflexion. De ce point de vue, le titre est en décalage avec le contenu: «marketing 2.0» peut laisser penser à un nouveau «machin 2.0», la tendance actuelle étant d’utiliser cette numérotation, issue des pratiques de l’industrie logicielle, pour n’importe quoi.

Bien au contraire, le livre est ambitieux et n’est pas l’annonce de la sempiternelle « révolution numérique » version 2.0. François, en homme de marketing averti, replace l’essentiel au centre de sa démarche, à savoir le client, tantôt consommateur tantôt citoyen. Et il constate que le développement des technologies et des usages dits de « web 2.0 » (oh que les informaticiens sont poétiques) a induit, accéléré un changement important du comportement de ce client dans son rapport aux marques et finalement aux « gouvernants ». Le terme «Empowered consumer» volontairement conservé dans sa forme anglaise (1) exprime bien cette nouvelle donne, confirmée par de nombreuses études : ce nouveau consommateur déterminera ses choix très souvent par rapport à ce qu’il apprendra de ses pairs. Le discours lénifiant de la marque est de moins en moins admis. Et il est bien évident que dans ce cadre, Internet et surtout les innombrables possibilités d’échanges et de communication de type «many to many» qu’il offre, a considérablement accentué ce phénomène. Posez-vous la question suivante : la dernière fois que vous avez fait un achat, par exemple un appareil électronique, qu’avez vous fait ? Et en réfléchissant à la réponse, vous verrez que François Laurent n’a pas tort quant il parle de changement profond!

Une autre dimension intéressante est celle liée à la difficulté des industries à s’adapter à ces changements rapides. Le chapitre sur l’industrie du disque est particulièrement savoureux. Avec l’ironie qu’on lui connaît, François rappelle que la réaction de l’industrie du disque, aux profonds bouleversements induits par le MP3 et Internet, a été de faire des procès à ses clients ! Et souvent à des gamins ou à des mères de famille ne se rendant pas bien compte qu’en téléchargeant de la musique, ils commettaient un grave crime. Quoiqu’on pense du sujet, quand un industriel fait des procès à ses clients, c’est mauvais signe ! Qui plus est en réaction à une évolution technologique.

François rappelle quelques évidences : 1) Mozart n’avait pas de maison de disques 2) le CD n’est qu’un support ; le MP3 en est un autre qui s’avère plus performant 3) les disquaires «off» ou «on line» ne sont qu’un canal de distribution; il en existe d’autres comme le téléchargement 4) il y aura toujours place pour des managers qui prendront un risque financier pour faire connaître par les moyens de communications appropriés des musiciens dont ils apprécient le talent 5) Internet, le MP3 et la facilité de téléchargement ont offert de nouvelles possibilités, permettant aux moins connus d’accéder à une reconnaissance, remplaçant l’artiste et ses prestations au centre : au donnant l’accès gratuit à ses nouvelles chansons, Prince a rempli tous ses concerts de l’été, à raison de 20 000 participants par session.

Il est vrai que dans ce nouveau modèle, les maisons de disque peuvent se poser la question de leur valeur ajoutée et réfléchir à leur indispensable évolution. Et elles gagneraient à le faire vite !

Cette histoire me rappelle celle de l’image numérique, alors qu’Internet commençait à se développer. En 1997, je travaillais pour une entreprise qui fabriquait des logiciels de traitements d’images médicales. A l’époque, nous discutions avec les ingénieurs de Kodak qui nous prenaient pour des ahuris, nous expliquant que le numérique n’arriverait jamais à la hauteur du film. Quelques mois après, les actionnaires de Kodak rachetait Imation, la filiale numérique du groupe 3M et commençait à organiser les plans de départ des «spécialistes de l’argentique». La suite de l’histoire est connue : il suffit de visiter une FNAC pour constater que les grands noms actuels de la photographie ne sont plus ceux d’hier. L’année dernière, j’ai découvert avec une certaine stupéfaction que Leica était devenu le fournisseur d’objectifs de Panasonic et achetait, sur le marché, des capteurs pour ses propres boitiers. Il y a 20 ans, Leica était la Rolls des appareils photos et Panasonic un marchand d’aspirateurs et de postes de radio!

Il y a fort a parier que beaucoup de labels de maisons de disques vont connaître le même sort! Le livre de François nous explique très bien pourquoi.


(1)François écrit en français, qui plus est, agréable à lire. Il ne sombre pas dans le «franglais» genre branché. Ne cherchez pas de «relevant» ou de «consistant»… il n’y a en pas ce qui est rare dans ce type d’ouvrage. L’absence de traduction de «empowered consumer» montre la difficulté à trouver, dans notre langue, le concept correspondant. Un beau sujet de réflexion à traiter avant que le terme passe dans l’usage courant comme l’est le mot «marketing» et dont la traduction officielle «mercatique» me fait toujours sourire.

02/06/2008

I Expo suite : « Veille image et stratégie de communication»

2def2be6ba26e06648f0ec36b4fb44f4.jpg I Expo est un événement incontournable pour toute personne s’intéressant à l’information professionnelle et plus généralement aux réseaux d’information et à Internet.

L’édition 2008 a été marquée par l’organisation de plusieurs sessions autour de l’image des entreprises sur le Net et de l’importance qu’avait le Réseau dans la définition des stratégies de communication des entreprises.

Caroline Faillet de l’agence Boléro (www.bolero.fr) et moi-même avons eu le plaisir de participer à la session « Veille image et analyse de la résonance médiatique : retours d'expériences » au cours de laquelle nous avons exposé « Les sept bonnes raisons d'analyser les opinions des internautes pour élaborer des stratégies d'actions communautaires. ».

Certaines sont évidentes pour les lecteurs de ce blog, comme par exemple, le constat que « beaucoup s’expriment sur Internet » et qu’il est devenu indispensable pour une entreprise de mesurer l’intérêt que manifestent les internautes à son sujet.
Moins convenu est l’idée que « l’avis de tout internaute est digne d’intérêt ». En effet, de nombreux acteurs du domaine expliquent que seul l’avis des « internautes influents » doit être pris en compte, les autres n’étant que peccadilles. Ce raisonnement s’appuie les méthodes issues de l’analyse de la presse à Internet : on s’intéresse aux grands journaux ayant un fort lectorat, la « feuille de choux » locale étant sans importance.

Ce raisonnement est erroné pour plusieurs raisons.

Constatons d’emblée que si le nombre de lecteurs d’un journal est assez bien mesuré par l’OJD, la notion d’internautes influents et autres bloggeurs d’autorité est très discutable (1).

De plus, dans le cas d’Internet et du Web 2.0, le lecteur est aussi rédacteur et accessoirement consommateur et électeur. Le mettre sur le même plan qu’un journaliste professionnel est donc sans objet, la comparaison n’ayant pas de sens. Demandez à un directeur marketing quel est son avis sur l’importance de commentaires désastreux de consommateurs postés sur un forum à propos de son produit. Il sera beaucoup plus inquiet de leur impact que de celui d’un « bon article » dans un bon journal !

Enfin, Internet est une place de village… planétaire où tout se sait très vite. Le blog d’un internaute résidant dans un petit village du Quercy a potentiellement autant de visibilité que celui d’un parisien branché. Il y a pléthore d’exemples qui le montrent dont un très causasse qui est la mésaventure arrivée à Hasbro, l’éditeur du Monopoly. Voulant faire une opération de marketing participatif, Hasbro a proposé aux internautes de choisir le nom des cases de la prochaine édition, en indiquant des noms de ville. Ce que n’avait pas anticipé l’éditeur est qu’un illustre inconnu d’un petit village du Quercy a réussi à arriver premier en utilisant tous les ressorts d’Internet. Sauf que le petit village s’appelle … Montcuq et qu’Hasbro ne semble pas apprécier la plaisanterie gauloise (2), l’obligeant à ne pas respecter son engagement. Il est évident qu’en faisant abstraction des « petits sans importance » Hasbro a complètement échoué dans sa stratégie de communication.

La difficulté, notamment technique, est justement de capter les opinions des quatre millions d’internautes anonymes, de les organiser et de les analyser. Opération très complexe car il s’agit de trouver des pépites dans un grand tas de sable, et beaucoup plus complexe que de suivre quelques centaines voire milliers de blogs « autorisés ». C’est le pari que nous faisons avec AMI Opinion Tracker !

(1) voir dans ce blog le billet du 23 02 08 «Influence, audience et PageRank. »
(2) voir sur www.intelligencecollective.info, le billet du 11 03 08 de François Laurent « Monopoly, le buzz dans le buzz »