07/11/2007

Wikipedia dans l’Histoire.

0ead25056c0d23afbf1fcc2b971a5f79.jpg La très sérieuse revue l’Histoire (1) publie dans son numéro de novembre un article intitulé « Wikipedia est-elle fiable ?». Une première réponse à cette question avait déjà été donnée par la tout aussi sérieuse revue Nature dans son numéro du 15 décembre 2005 indiquant dans le chapeau de son enquête « Jimmy Wales’ Wikipedia comes close to Britanica in terms of accuracy of its science entries, a Nature investigation finds ». L’article de l’Histoire confirme cette analyse, partagée quotidiennement par … quelques dizaines de millions d’utilisateurs mais nuancée par un encadré de M. Jean-Noël Jeanneney.

Il constate une faiblesse de Wikipedia pour « deux naïvetés majeures » :
1) « la rencontre d’un grand nombre d’individus de compétence et de culture inégale » ne peut aboutir à « un savoir sûr », cette qualité ne pouvant être garanti que par « un comité qui fasse autorité et qui guide rigoureusement les rédacteurs ».
2) « ...l’accumulation de faits juxtaposés tend à mettre sur le même plan l’essentiel et l’anecdotique, à empiler des données que n’organise aucun esprit synthétique…».

Le premier argument n’est pas nouveau ; c’est finalement celui des tenants du suffrage censitaire au XIXe siècle préférant laisser les choix essentiels de la nation à quelques « esprits synthétiques » (et accessoirement fortunés !). Il ne s’agit pas de nier l’importance de la compétence et de l’expérience ; j’ai tout au long de ma vie professionnelle pu vérifier le fait que l’on ne faisait jamais l’économie de sa formation. Simplement, j’avoue être toujours dubitatif quant à l’existence des « savoirs sûrs » qui sont un peu comme les « vérités » : elles sont toujours relatives à un groupe culturel, à une époque et à un ensemble de connaissances et de valeurs qui en sont le reflet.

La réalité sans doute mal comprise par M. Jeanneney est l’universalité des points de vue que peut apporter Wikipedia, opération rendue possible par la rupture technologique qu’a introduit Internet puis les outils de travail collaboratif désigné par le vocable « Web 2.0 ». M. Jeanneney conclut son billet par « l’infidélité de Wikipedia à la grande aventure de Diderot et d’Alembert auquel son nom fait référence ». ». Il serait intéressant d’imaginer quelle aurait été leur réaction face à cette formidable ouverture offerte par Internet. Constatons par exemple qu’ils avaient pris le soin de s’entourer d’une « société de gens de lettres » pour rédiger « l’Encyclopédie ou Dictionnaire des sciences, des arts et des métiers », sans doute conscient que l’universalité impose l’exhaustivité des points de vue, mais avec les limites techniques de leur époque. Ce qui, au XVIIIème siècle était en soi révolutionnaire, notamment sur le plan politique, nos monarques étant peu friands de cette exhaustivité.

Certes, mais l’esprit de synthèse qui garantit l’objectivité et les savoirs surs ? Je fais partie de ceux qui pensent que cette sagesse est souvent dans l’esprit critique de chacun, capable pour peu qu’il ait eu l’instruction et l’éducation nécessaire, de se construire son opinion à partir des informations dont il dispose. Cette faculté est une valeur incontournable et elle est le fondement de toute démocratie. Elle n’est pas liée à une technologie ou même un mode de construction lexicographique. La question posée par Wikipedia n’est pas tant sa fiabilité mais plutôt son usage. Il est clair que si l’élève recopie naïvement ce qui lit sans réflexion personnelle, il est peu probable que l’expérience soit enrichissante. Ce qui n’est pas vraiment nouveau mais simplement amplifiée et facilitée par Internet.

Alors disons simplement que Wikipedia offre une formidable plateforme de recueil de savoirs et de connaissances avec une universalité impossible à atteindre avec des moyens traditionnels. Comme le constatait récemment F .Laurent dans son blog (http://www.marketingisdead.com) lors de l’annonce la mort de « Paul Tibbets, l'Américain qui a largué la bombe atomique sur Hiroshima ». Nous ne nous étions pas concertés mais sa note tombe à pic !

Alain Beauvieux

(1) L’Histoire, revue de référence, dont le site est www.histoire-presse.fr, est publiée par la société des éditions scientifiques, qui édite aussi le magazine La Recherche.

22:30 Publié dans Humeurs | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Wikipedia, L'Histoire

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